Philippe Kenel

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Bertrand Piccard, notre très (trop ?) cher ambassadeur

Suite à l’intervention de certains parlementaires qui s’étonnaient de voir la Confédération soutenir financièrement les projets de Bertrand Piccard et du peu de cas que faisait ce dernier de la promotion de notre pays, le Conseil fédéral a décidé le 13 février 2013 de poursuivre son soutien financier contre l’engagement de Bertrand Piccard de mieux mettre en valeur la Suisse. Le titre de la dépêche de l’ATS était « Berne formalise son soutien et recevra la monnaie de sa pièce ».

Mis à part les activités de Présence Suisse, les représentants permanents de notre pays à l’étranger sont les ambassades et les chambres de commerce. Alors que les ambassadeurs changent tous les quatre ans, ces dernières ont l’avantage de la pérennité.

Depuis 2007, je préside la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg fondée en 1898 dont le siège est à Bruxelles. Elle a comme vocation d’être une plateforme de rencontres des milieux belges, européens, luxembourgeois et suisses aussi bien dans les domaines économiques, politiques que culturels. Elle organise une dizaine d’événements par année et invite régulièrement des personnalités helvétiques afin de promouvoir notre pays en Belgique ou au Grand-Duché de Luxembourg. Parmi celles-ci, figurent notamment, Jean-Claude Biver, Jean-Pierre Danthine, Patrick Odier, Claude Nobs, Cornelio Sommaruga etc. Je tiens à préciser que toutes ces personnalités sont venues gratuitement sous réserve, pour certaines, de défraiement pour les frais de déplacement et de logement.

Ayant appris que Bertrand Piccard ferait une conférence, en compagnie de Jean-Pierre Clamadieu, à Bruxelles le 23 novembre au soir dans le cadre des Grandes Conférences Catholiques, je lui ai adressé un email le 17 juillet lui demandant s’il accepterait d’être l’orateur de notre chambre de commerce soit le 23 novembre à midi, soit le lendemain, vu qu’il se trouvait déjà en Belgique.

Comptant sur le patriotisme de Bertrand Piccard et me rappelant les engagements qu’il avait pris en février 2013, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir en guise de réponse l’email suivant signé par son assistant, Alain Pirlot:

« Cher Monsieur, Merci pour votre demande. La seule possibilité serait le déjeuner du 23 novembre. Les honoraires de M. Piccard sont de 30000 CHF, plus tous frais payés. Dans l’éventualité de votre volonté de poursuivre, auriez-vous l’amabilité de remplir le formulaire joint ? Par avance merci. Bien à Vous »

Sans me prononcer sur le bien-fondé du montant de ses honoraires qui toutefois traduisent une certaine idée de soi-même lorsque Bertrand Piccard vend ses services à des entreprises, je les trouve choquants, voire inadmissibles, lorsqu’il est invité à parler dans le cadre d’une chambre de commerce suisse à l’étranger. Tout d’abord, bien que ces chambres de commerce ne dépendent pas formellement de la Confédération, elles en sont l’un des représentants informels. Il s’agit de la tribune par excellence pour promouvoir l’image de la Suisse. D’autre part, ces chambres de commerce qui, depuis le début des années 2000, ne reçoivent plus de subsides de la Confédération vivent grâce au travail bénévole de certains membres, aux cotisations et aux dons. Enfin, et surtout, l’attitude de Bertrand Piccard ne me paraît pas conforme à l’idée que l’on se fait d’une personne qui en contrepartie de l’argent public qu’elle reçoit s’engage à promouvoir l’image de son pays. Il importe de rappeler que Bertrand Piccard se trouvera déjà à Bruxelles le 23 novembre où il donnera déjà une conférence. Cela signifie que donner une conférence le lundi 23 novembre à midi ne lui aurait engendré aucun frais et lui aurait pris environ 2 heures de son temps. Partant de l’idée qu’il ne demande pas moins d’argent aux Grandes Conférences Catholiques qu’à la chambre de commerce représentant son pays, la journée du 23 novembre lui aurait, pour deux conférences, rapporté CHF 60'000.-…

Cher Bertrand Piccard, votre avion étant cloué au sol pendant six mois, je vous propose de saisir cette occasion pour redescendre également sur terre…

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