Philippe Kenel

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Pierre-Yves Maillard « fait du Vlaams Belang » à l’envers

Le 26 mai 2019, ont eu lieu en Belgique non seulement les élections européennes, mais également celles au niveau national. Ces dernières ont été marquées en Flandre par une percée très importante du Vlaams Belang. La réussite dans les urnes de ce parti d’extrême droite est due au fait qu’il a ajouté à ses sujets traditionnels les thèmes économiques appartenant non pas à la droite classique, mais à l’extrême gauche. En d’autres termes, cette victoire électorale est due à une addition de prises de position anti-immigration, souverainistes et europhobes à d’autres de nature économique défendues habituellement par l’extrême gauche. Contrairement à ce que l’on a pu voir durant de très nombreuses années, les partis d’extrême droite ne vont plus chasser sur les terrains de la droite traditionnelle ou du centre, mais sur celui de la gauche et de l’extrême gauche. Ce phénomène s’il est particulièrement frappant en Flandre n’est pas isolé en Europe. Par exemple, bien que le phénomène soit un peu différent, on constate qu’en Italie la Ligue du Nord gouverne avec le Mouvement 5 Etoiles. Le cas italien n’est pas un bon signe. Je me souviendrai toujours qu’il y a de très nombreuses années, un fonctionnaire européen italien m’avait dit « vous savez, si vous regardez l’Histoire, vous constaterez que l’Italie, c’est le laboratoire du pire ! ».

Bien que moins extrême, la stratégie de Pierre-Yves Maillard repose sur les mêmes bases mais dans le sens inverse. En effet, il ne s’agit pas d’un homme d’extrême droite qui va chasser sur les terrains de la gauche ou de l’extrême gauche, mais d’un syndicaliste qui lie les thèmes de gauche à ceux de la droite souverainiste et antieuropéenne. Il n’y a qu’à écouter les récentes déclarations de Pierre-Yves Maillard et d’Oskar Freysinger sur la RTS pour en être convaincu.

Personnellement, j’ai beaucoup de respect pour Pierre-Yves Maillard et lui suis très reconnaissant pour tout ce qu’il a fait notamment avec Pascal Broulis dans le canton de Vaud. Cependant, le feu qu’il est en train d’allumer est dangereux. On peut imaginer pourquoi il se livre à cet exercice. Le jour où il s’agira de remplacer Alain Berset au Conseil fédéral, l’UDC pourrait peut-être lui être reconnaissante. Par ailleurs, au moment de prendre la présidence de l’USS, cela lui permet de marquer son territoire. Cependant, si je désapprouve cette manière de faire, je dirais que ce n’est pas dans les mains de Pierre-Yves Maillard que ces allumettes sont les plus dangereuses. En effet, on connaît sa tactique qui consiste à affirmer fortement ses positions tout en acceptant ultérieurement de négocier et de trouver des compromis. Le problème est qu’une fois que le brasier se sera enflammé les tisons ne seront plus nécessairement dans les mains de personnes tel Pierre-Yves Maillard ayant la volonté et la capacité de trouver des compromis. Lorsque le feu aura pris il ne sera plus possible de l’éteindre. Cela aboutira à l’explosion de la gauche et de la droite traditionnelles et à la terrible alliance des valeurs d’extrême droite et d’extrême gauche.

Pour contrer ce phénomène, il est fondamental que le citoyen en comprenne les risques et que les membres des partis de gauche et de droite qui refusent cette évolution se manifestent. Ce n’est pas parce que Mario Carera (avec qui je ne suis pas toujours d’accord…) est mon petit cousin que je me réfère à lui aujourd’hui, mais je ne peux que l’approuver et recommander la lecture de son article intitulé « Quel est le plan B des syndicats pour notre relation avec l’Europe » paru dans l’édition du Temps du 6 juin dernier.

Bien que partisan de l’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne, je peux néanmoins tout à fait comprendre les arguments des personnes qui y sont opposées et pense qu’il est important que nous travaillions ensemble à trouver une solution. Celle-ci ne passera en tout cas pas par la « stratégie du Vlaams Belang » à l’endroit ou à l’envers qui n’aura comme seul effet à moyen ou à long terme que de mettre le feu à la baraque. N’oublions quand même pas que l’idéologie qui a embrasé l’Europe dans les années 30 s’appelait national-socialisme…

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